Depuis 8 mois, 50 mineurs non accompagnés avaient trouvé refuge au sein de deux bâtiments inoccupés sur la Canebière aux numéros 113 et 115 après avoir été exclus par le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de la protection de l’enfance pour ne pas avoir été reconnus mineurs à la suite d’une évaluation administrative basée sur des critères subjectifs et aléatoires.
Tous scolarisés, accompagnés de bénévoles et assistés d’avocats, ces jeunes ont saisi les juges des enfants de Marseille pour demander leur protection judiciaire en qualité de mineurs non accompagnés (MNA) sur le territoire marseillais.
Menacés d’expulsion, ces habitants des squats autogérés avec l’aide de collectifs ont décidé dimanche dernier de quitter volontairement les lieux pour poser leurs tentes quelques dizaines de mètres plus hauts sur la Canebière, à l’abri du square Léon-Blum.
Ce choix, ils l’ont aussi fait pour alerter la population et les autorités sur leur situation.
Leurs revendications ? Un accompagnement et une prise en charge adéquats jusqu'au terme de la procédure d’évaluation de leur minorité devant le juge des enfants, et l’inscription dans la loi d’une véritable présomption de minorité durant cette phase.
Pour ces jeunes en attente de décision judiciaire quant à leur demande de protection en qualité de mineurs non accompagnés, aucune prise en charge n’est en effet prévue durant cette période.
Pourtant, jusqu’en fin d’année 2021, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône les maintenait à l’abri dans cette attente, nonobstant une évaluation concluant à des doutes sur leur minorité.
Depuis un an, le choix inverse a été fait par le Département assumant politiquement des remises « sèches » à la rue à l’issue de la seule évaluation éducative et sociale menée par ses services délégués.
Le résultat, ce sont des dizaines de jeunes laissées à la rue durant plusieurs semaines et ce, alors même que l’évaluation de leur minorité n’a pas été définitivement tranchée par le juge des enfants.
Pourtant, au titre de ses missions de protection de l’enfance, il incombe également aux conseils départementaux durant cette phase d’engager des démarches afin de reconstituer les états civils des jeunes pris en charge dans le cadre de l’évaluation de leur minorité ; ce qui n’est pas fait dans les Bouches-du-Rhône.
En les aidant dans leurs démarches pour la reconstitution de leur identité, les solidaires suppléent une nouvelle fois la carence du département.
La France en tant qu’état partie à la Convention internationale des droits de l’enfants s’est engagée à respecter les droits de l’enfant notamment en préservant leur identité, et en les aidant à la rétablir aussi rapidement que possible.
Le comité des droits de l’enfant des nations unies dans ses constatations du 8 septembre 2019 n°CRC/C/82/D27/2017/RK c/ Espagne a ainsi considéré que « la date de naissance d’un enfant fait partie de son identité » qu’il incombe aux états parties de respecter et condamner l’Etat espagnol pour violation de l’article 8 car il contestait l’âge d’un MNA « sans avoir cherché à vérifier ces informations auprès des autorités du pays d’origine de l’auteur ».
Dans sa décision 2021-070 concernant la prise en charge des MNA sur ce territoire et dans son rapport 2022 « Les Mineurs non accompagnés au regard du droit », la défenseure des droits est venue dénoncer le fait que nombre de conseils départementaux, et spécifiquement le Département des Bouches-du-Rhône, ne respectent pas leurs obligations légales de recueil provisoire d’urgence en négligeant d’engager des démarches afin de reconstituer les états civils des mineurs recueillis, portant ainsi atteinte aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés et à leur intérêt supérieur.
La Cour européenne des droits de l’homme, par un arrêt Darboe et Camara contre Italie en date du 21 juillet 2022,, est quant à elle venue poser une véritable présomption de minorité impliquant de traiter le mineur (non accompagné) comme tel jusqu’au terme de l’évaluation de sa minorité et de lui assurer des garanties procédurales afférentes.
Ces mineurs non accompagnés installés au square Léon-Blum sont des adolescents que le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône n’a pas reconnus mineurs. Le temps que la justice examine leur recours, ils doivent bénéficier d’une protection, d’un hébergement adapté, d’un suivi éducatif, d’un accès aux soins et à l’éducation et de la possibilité de répondre à leurs besoins fondamentaux.
Comme seule réponse à leurs revendications légitimes, la préfecture des Bouches-du-Rhône aurait annoncé à ces jeunes qu'ils ne disposaient que d'un délai de 48h pour quitter le kiosque où ils ont élu domicile, sans quoi il serait procédé à leur expulsion forcée. Le SAF Marseille s'interroge sur les bases légales d'une telle évacuation en l'absence de toute décision de justice et apporte en tout état de cause, à ces mineurs non accompagnés, son soutien plein et entier dans leurs revendications.