Le SAF s’indigne du traitement inhumain et dégradant infligé à Marseille aux mineurs isolés étrangers par les autorités publiques

De nombreux enfants arrivent en France seuls au terme d'un parcours migratoire éprouvant, fuyant la guerre ou la misère ; ils sont originaires du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest, mais aussi d'Afghanistan, du Pakistan...

Sans représentants légaux, déracinés, sans ressources ni logement, dans un état de santé parfois très précaire, ces mineurs isolés étrangers sont des enfants en danger.

A ce titre, ils sont de manière inconditionnelle protégés par le droit relatif à la protection de l'enfance.

En théorie. Car la réalité est tout autre...

 

En effet, il revient au Conseil départemental (CD) d'accueillir en urgence pour une durée de cinq jours les mineurs privés de représentants légaux, d'évaluer leur situation, de saisir le Juge des Enfants puis d'assurer leur protection (articles L. 223-2 et R. 221-11 du CASF).

Pourtant, ces mineurs sont laissés à la rue et doivent patienter durant plusieurs mois avant de bénéficier d'une mise à l'abri.

La situation est la même quand ces jeunes bénéficient d’ordonnances de placement provisoire du Juge des Enfants les confiant aux services de l'Aide Sociale à l'Enfance (article 375-3 du code civil).

En pratique, à Marseille, ces ordonnances, pourtant assorties de l’exécution provisoire, restent inexécutées plusieurs mois et les jeunes sont livrés à eux-mêmes.

Un « traitement inhumain et dégradant », comme le souligne le Tribunal administratif de Marseille qui, régulièrement saisi en référé liberté, enjoint systématiquement et sous astreinte au CD d'assurer dans un délai de 24 heures l’hébergement et la prise en charge de ces mineurs.

Ces ordonnances de référé ne sont pas plus suivies d’effet, et ce même après que le juge administratif prononce des liquidations d'astreinte.

Au total, ce sont des centaines de décisions de justice, civiles et administratives qui ne sont pas respectées par le CD.

La réalité, ce sont des jeunes qui dorment en plein hiver à la rue, auxquels le CD ne fournit que trois repas par semaine et qui n'ont accès ni aux soins ni à la scolarisation.

La réalité ce sont des jeunes qui, orientés sur les Bouches-du-Rhône par la cellule nationale gérée par le Ministère de la Justice alors qu’ils étaient pris en charge par d'autres départements, sont mis dans des trains par leurs éducateurs à destination de la gare Saint-Charles où personne ne les attend.

La réalité, c'est l'occupation médiatisée d'une église durant trois jours en novembre dernier par 65 mineurs soutenus par la société civile qui contraint le CD à l'ouverture en urgence d'une Maison de la Solidarité désaffectée et transformée en lieu de mise à l'abri précaire.

La réalité, c'est encore la brigade canine qui chasse du commissariat de Noailles où ils s’étaient réfugiés dans la soirée une vingtaine de jeunes sans solution d'hébergement après que le CD et la police se sont « renvoyés la balle » toute la journée.

La réalité, c'est un enfant venu demander de l'aide aux policiers qui se retrouve en garde à vue pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique et écope d'un rappel à la loi.

Mais qui rappelle à la loi le CD coupable d'inaction fautive aux conséquences désastreuses ?

Cette situation n'est pas récente mais jamais elle n'a atteint les proportions actuelles.

Faut-il y voir un lien avec le rapport de l'IGAS et de l’Assemblée des départements de France envisageant le transfert à l'Etat des missions de mise à l'abri et d'évaluation des mineurs étrangers non accompagnés ?

Cette perspective aboutirait à distinguer les missions de protection de l'enfance selon la nationalité, en confiant la protection des mineurs étrangers isolés au Préfet plutôt qu'au CD.

Ce serait mettre l'accent sur l'extranéité au détriment de la minorité.

Quelles qu’en soient les causes, le SAF dénonce l'abandon de ces enfants par le Conseil Départemental et entend continuer à soutenir toutes les actions mises en œuvre pour tenter d’y remédier.